Quand faut-il s'inquiéter ?
Il faut s’inquiéter lorsque la personne critique son apparence physique, s’estime plus grosse qu’elle ne l’est en réalité et lorsque la nourriture devient le centre de ses préoccupations. Cette focalisation entrave le quotidien et l’empêche de vivre normalement (refus de partager un repas, évitement des situations sociales en relation avec l’alimentation, pratique excessive du sport au détriment des loisirs).
Généralement, ces comportements sont précédés d’un changement d’humeur caractérisé par de la dépressivité et des réactions émotionnelles inhabituelles au cours des 6 à 8 mois qui précèdent. Un surinvestissement de la scolarité ainsi que de la pratique sportive est généralement observé chez les adolescents.
Les enfants et les préadolescents ne présentent pas toujours les mêmes caractéristiques que les adolescents et les adultes. Ils peuvent avoir peur d’étouffer, d’être contaminés par la nourriture, de manger des aliments mauvais pour la santé, ou avoir peur des vomissements. Ils manifestent une symptomatologie de dénutrition plus rapide que l’adulte en raison d’une distribution différente de la masse grasse. Chez l’enfant et le préadolescent, on parlera alors de « trouble d’évitement et de restriction de la prise alimentaire ».
Les troubles du comportement alimentaire sont des maladies potentiellement graves : elles peuvent entraîner des conséquences médicales, psychiques, sociales, familiales et financières sévères. Une prise en charge rapide évite à la maladie d’évoluer et augmente les chances d’une guérison complète et durable.
En cas de doute, mieux vaut agir de manière inutile, plutôt que d’attendre en espérant que « cela passe ». Il faut prendre le temps de bien s’informer, car ces affections sont difficiles à comprendre, notamment en raison de nombreuses idées fausses.
En savoir plus sur le poids, surpoids et carence pondérale : https://www.cepia-poids-alimentation.be/poids-et-alimentation.php
Les causes ?
D’abord, il faut renoncer à rechercher des causes précises, les troubles alimentaires étant des maladies complexes.
Plus de 30 facteurs de risques prédisposants, ni exclusifs, ni exhaustifs ont été identifiés : le sexe (95 % des individus souffrant d’anorexie mentale sont de sexe féminin), l’adolescence qui est une période particulièrement à risque, la puberté précoce qui peut conduire à une vulnérabilité psychologique, la confrontation à des remarques sur le poids ou la silhouette, un manque de confiance en sa valeur personnelle, les difficultés à communiquer et à exprimer ses émotions, les pressions sociales à la réussite, la présence de traits de caractère perfectionniste ou obsessifs-compulsifs, la survenue d’un événement traumatique (violence, abus…).
Les facteurs déclenchants sont nombreux. Mais le facteur comportemental déclenchant central est la pratique de régime de toute sorte. Les régimes ne conduisent pas forcément à un trouble du comportement alimentaire, mais ces derniers débutent rarement sans un régime.
Les jeunes filles construisent leur sentiment d’identité sur leur capacité à établir des liens sociaux et peuvent être amenées à penser qu’il est légitime de chercher à perdre du poids pour être acceptées par les autres jeunes. Souvent, cette recherche d’intégration peut avoir été perturbée par des événements de vie suscitant un sentiment d’insécurité (déménagement, perte d’une meilleure amie, départ d’un frère ou d’une sœur de la maison familiale, des conflits entre les parents, décès d’un proche, moqueries sur l’apparence…).
Parfois, une perte de poids fait suite à une maladie virale, à une opération des dents de sagesse ou à un épisode dépressif. Ce changement corporel peut inciter la personne à poursuivre dans cette voie en restreignant de plus en plus son alimentation.
De façon plus globale, on peut aussi considérer que le trouble du comportement alimentaire apparaît généralement pour signifier que quelque chose de profondément intime ne va pas.
D’autre part, les recherches sur la causalité familiale de l’anorexie et de la boulimie donnent des résultats clairs : 75 % à 80 % des familles confrontées à l’anorexie mentale ou à la boulimie ne se différencient pas dans leur organisation et leur fonctionnement des autres familles. Les similarités qui avaient été observées dans ces familles étaient dues à l’impact des symptômes de la maladie dans la vie quotidienne familiale. La survenue d’un trouble alimentaire bouleverse tous les membres de la famille et désorganise la vie quotidienne. Les interactions se focalisent sur l’alimentation et les conflits se multiplient. Or, les réactions critiques ou fortement émotionnelles entravent le processus de la guérison.
De toute façon, même les familles dysfonctionnelles ne portent jamais entièrement la responsabilité d’un trouble alimentaire chez un proche. Les familles possèdent, au contraire, de nombreuses ressources et compétences adaptatives à mettre au service de la guérison. Ces recherches sur le rôle des parents ont conduit à profondément changer les méthodes de traitements depuis les années 90.
En savoir plus sur le Covid-19 et les troubles alimentaires : https://www.cepia-poids-alimentation.be/covid-19.php
Statistiques
Les études épidémiologiques récentes donnent un taux de prévalence pour l’anorexie mentale, chez les adolescents entre 10 et 19 ans, de 0,5 %. Les jeunes filles âgées de 15-19 ans représentent 60 % des personnes souffrant d’anorexie mentale. Un constat inquiétant est le nombre croissant de filles très jeunes (8-10 ans) concernées par la maladie. Entre 14 et 15 ans, 14 % des adolescents présentent des formes incomplètes ou débutantes non diagnostiquées.
La boulimie touche 1 à 2 % de la population féminine. On estime que 9 à 10 % des femmes adultes souffrent de problèmes alimentaires de type compulsif, c’est-à-dire comportant une difficulté à contrôler la prise de nourriture et une attention exagérée au poids et à la silhouette.
Si ces maladies touchent surtout des femmes, les hommes ne sont pas épargnés. Ils représentent 10 à 15 % de l’ensemble des personnes concernées.
Les traitements
Des croyances bien ancrées au sujet des troubles alimentaires, encore trop souvent partagées par certains professionnels de la santé et rarement remises en question, retardent le diagnostic, influencent le traitement, laissent la place à des thérapies inadéquates, parfois nocives, et retardent l’engagement dans une procédure thérapeutique spécialisée. Celle-ci demande du temps et un investissement personnel important, tant de la personne malade que de ses proches.
On guérit d’un trouble du comportement alimentaire, mais il n’y a pas de guérison sans la récupération d’un poids normal et d’une alimentation saine et régulière. Cependant, l’approche diététique ou nutritionnelle n’est pas recommandée. Le traitement est principalement psychothérapeutique et requiert des professionnels experts sachant collaborer de façon multidisciplinaire. Il est indispensable qu’ils aient une bonne connaissance de la nutrition et des complications des troubles alimentaires.
Récemment, la synthèse des résultats de 40 études menées de façon rigoureuse durant ces 25 dernières années a abouti à des recommandations concernant les thérapies de l’anorexie mentale de l’adolescent, de la boulimie et de l’hyperphagie boulimique. Mais, il faut le constater, ces thérapies ne constituent pas les traitements généralement offerts aux personnes qui souffrent d'un trouble alimentaire. La mise en application de ces techniques peut s’avérer ardue et à défaut de thérapeutes formés et d'équipe multidisciplinaire ambulatoire spécialisée.
Dans l’anorexie mentale, l'hospitalisation reste encore trop souvent la procédure de traitement privilégiée. Or, chez l’adolescent, elle n’est pas conseillée sauf si les complications physiques ou psychologiques sont importantes, si la situation familiale est très perturbante ou s’il y a un échec d’un traitement ambulatoire intensif bien conduit.
Dans l’anorexie mentale de l’adolescent, la thérapie basée sur la famille est recommandée. La plus étudiée est la thérapie de type Maudsley. Cette thérapie dure une année. Elle a cependant des contraintes, car elle nécessite un engagement important des parents et une bonne alliance parentale. La thérapie individuelle pour l’adolescent associée à des entretiens de famille est une bonne alternative, mais les résultats à long terme semblent moins satisfaisants. La famille joue un rôle considérable dans la guérison de l’enfant et de l’adolescent, lorsqu’elle est en alliance avec les équipes professionnelles afin de trouver un positionnement optimal face à la maladie. La famille fait toujours partie de la solution ; elle doit rester patiente et confiante face aux nombreuses situations d’incertitude engendrées par la maladie et le processus de guérison.
Dans l’anorexie mentale du jeune adulte et de l’adulte, les thérapies recommandées sont la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie psychodynamique qui tiennent compte des facteurs émotionnels en relation avec la prise alimentaire, les préoccupations corporelles et les relations interpersonnelles. La qualité de la relation avec le thérapeute est un facteur important. L’hypnose, les thérapies corporelles et l’art thérapie ne semblent pas donner de résultats probants. Souvent les personnes essayent toutes sortes d’approches différentes sans fondement scientifique, ce qui risque de prolonger la maladie, voire même de la renforcer.
Dans la boulimie et l’hyperphagie boulimique, la thérapie cognitive et comportementale, à la condition qu’elle soit intensive et rigoureusement conduite, donne les meilleurs résultats. Comme dans l’anorexie mentale, l’hypnose, les thérapies corporelles et l’art thérapie ne semblent pas donner de résultats probants. Cependant elles peuvent, en complément et avec d’autres soin du corps, aider certaines personnes à reprendre confiance en elles et avec la réalité de leur corps pour entamer ou poursuivre une thérapie appropriée.
Tant dans l’anorexie mentale que dans la boulimie, la méditation (mindfullness) est un complément thérapeutique très utile.
En cas d'échec d’un traitement ambulatoire intensif bien conduit, l’hospitalisation est nécessaire et semble plus utile si elle n’est pas de courte durée. Le traitement visera alors dans un premier temps à permettre à la personne d’atteindre un poids qui ne mette pas sa vie en danger. Pour la personne qui souffre de boulimie ou de vomissement, l’objectif est de diminuer ces symptômes.
Les traitements médicamenteux ne représentent pas l’axe de traitement principal et ne sont généralement pas indiqués.